Bien-être au travail: coup marketing ou stratégie de performance ?

Bien-être au travail: coup marketing ou stratégie de performance ?

Le bien-être au travail fait l’objet d’une attention soutenue. De plus en plus d’organisations investiraient dans ce nouveau champ de pratique qui aurait notamment pour avantage d’améliorer la compétitivité et la performance des entreprises. Certaines d’entre elles ouvrent même des postes au sein de leur organisation pour le promouvoir. Ceux-ci sont occupés par les fameux Chief Happiness Managers, « les Monsieur et Madame Bonheur » qui incarnent « l’entreprise libérée »1. Quel contenu derrière l’effet d’annonce du bien-être au travail ? Coup marketing ou réel intérêt pour le bien-être des agents ? Quels intérêts pour les organisations qui la mettent en place ? Quels impacts ?

Le bien-être au travail, qu’est-ce que c’est ?

De manière concrète, promouvoir le bien-être au travail va au delà de la lutte contre les risques psychosociaux (RSP) et les troubles musculo-squelettiques (RMS). Cette démarche de qualité de vie au travail (QVT) entre dans le cadre de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et a pour objectif global « d’humaniser le travail », et par là-même d’améliorer la compétitivité de l’entreprise. Dans cette logique, de la satisfaction du capital humain (approche microéconomique) dépendra alors la réussite de l’entreprise (approche macroéconomique). Dans cette optique, l’individu est le moteur de richesse de l’entreprise.

Avantages pour l’organisation 

La distillation du bien-être est bénéfique à la productivité et la créativité des agents puisqu’elle agit directement sur leur niveau d’énergie. Selon une étude réalisé en 2011 par le MIT et Harvard, un salarié bien sur son lieu de travail serait en effet 30% plus productif et 55% plus créatif 2. 

Par ailleurs, la santé physique et mentale qui découle de la mise en place du bien-être au travail permet globalement à l’entreprise de prévenir des coûts économiques et sociaux de l’absentéisme, des arrêts de travail (burn-out, dépression…), du turnover, des retards, mais aussi les diverses formes de violences (passives ou actives, physiques ou morales) et de désengagements. En effet, un salarié satisfait prendrait seulement un « dixième des journées maladies d’un collègue insatisfait » et aurait l’intention de rester « deux fois plus longtemps dans l’entreprise»1 (étude du cabinet de conseil britannique iOpener Institute).  

En outre, développer de telles pratique tend à favoriser l’image de l’entreprise. Si les pratiques sont appréciées des agents, elles seront suivies de retombées positives sur l’image en interne de l’entreprise et contribueront à la fidélisation des collaborateurs. De la même manière, une politique de bien-être peut contribue à l’image en externe de marque de l’organisation, attirant par là même clients et profils de travailleurs intéressants.

Application en entreprise

Il s’agit donc pour l’entreprise de fournir les outils propices au bien-être des agents. Bien que ce dernier dépende de facteurs personnels (notamment de la sensibilité personnelle et de la vie privée), il dépend aussi et surtout des qualités propres à l’environnement de travail. Est-il propice à la concentration, à la bienveillance, à la coopération ?

Afin de détenir ces qualités, un espace de travail devra notamment être pourvu d’un agencement et d’aménagements logiques et ergonomiques, d’une décoration adaptée, et d’espaces permettant la vie privée de chacun, mais aussi de détente (pour plus de détails, consultez notre article sur comment aménager l’environnement de travail dans votre entreprise). 

Pour favoriser un milieu de travail idéal, il conviendra également de former les agents aux habitudes individuelles et collectives qui permettent l’expression du plein potentiel de chacun (hygiène de vie de qualité,  gestion des émotions et du stress, communication non violence, valeurs de bienveillance, de coopération).

« Bien ! Pas bien ! Bien ! »

La mise en place d’une politique QVT en entreprise peut revêtir différentes formes. Il y a notamment les approches globales qui tendent à réformer l’entreprise et son organisation en profondeur. Il peut s’agir de changements dans l’approche managériale, dans la composition des équipes et des services, dans l’agencement ou le changement de locaux. 

L’approche consistant à ajouter des services favorisant le confort des agents est parfois  également pratiquée. Il peut s’agir de services de gardes d’enfants, de cantines gratuites, de CE proposant des offres de loisir attractives. Il peut également s’agir de pratiques plus superficielles comme la mise en place d’un babyfoot dans l’espace détente, ou de jeux vidéo.  

Le bien-être au travail, dans quelles mesures est-ce efficace ?

Alors que les retombées d’une promotion du bien-être dans l’entreprise sont globalement positives, l’efficacité des mesures entreprises dépendra largement de la stratégie mise en oeuvre par l’entreprise et du but recherché par celle-ci3. De petites mesures auront un impact limité sur l’entreprise. A contrario, une approche du bien-être au travail pensée de manière globale aura toutes les chances d’apporter une grande plus value à l’entreprise. 

Dans une optique honnête de recherche de performance, l’entreprise a tout intérêt à formuler clairement en amont ses attentes et objectifs, à faire l’état des lieux du bien-être dans son entreprise, ainsi qu’à établir un plan d’action concerté afin de favoriser la synergie des mesures mises en oeuvre, mais également de pouvoir en mesurer les impacts.

Comme vous l’aurez compris, Il ne s’agit pas de mettre un baby foot dans la salle de réunion pour améliorer le taux de bien-être au travail. Il convient de fournir un environnement de travail propice au bien-être et de former les agents à améliorer leur ressenti au sein de l’organisation en leur donnant les outils nécessaires à leur développement personnel.

1 Le chief happiness officer n’est pas celui que vous croyez, Le 25/04/2019 par Johan Carelli, Harvard Business Review

2 Effects of Positive Practices on Organizational Effectiveness, Volume: 47 issue: 3, page(s): 266-308, 2011, Kim Cameron, Carlos Mora, Trevor Leutscher, Margaret Calarco

3 La qualité de vie au travail, un ouvrage de l’ANACT coordonné par Julien Pelletier, 2019

Le bien-être au travail : outil d’adaptation aux mutations du travail

Le bien-être au travail : outil d’adaptation aux mutations du travail

La notion de bien-être au travail, pourtant apparue au début des années 2000, s’est récemment immiscée dans toutes les formes d’institutions, quelles soient publiques ou privées (1). Le bien-être au travail est aujourd’hui considéré comme un levier d’action à la motivation et la mobilisation des agents, et sollicite logiquement l’intérêt des dirigeants, des managers et les services RH. Derrière l’image idyllique souvent dépeinte, cette initiative a avant tout pour pour but de mobiliser l’engagement au travail en favorisant l’autonomie, la productivité, et la capacité d’innovation des agents. Pour cela, elle prend entre autres en compte le ressenti individuel au travail (ce que je fais, comment je le fais, pour qui et pourquoi ?, la gestion des émotions et du stress), la dimension sociale au travail (la qualité des relations interpersonnelles, de la coopération), mais également parfois l’hygiène de vie des agents (alimentation, sommeil, activité physique…). 

Mais en quoi une politique de bien-être permet concrètement aux entreprises de mieux s’adapter aux changements dans l’organisation du travail ? A la manière où l’arrivée des technologies de l’information a beaucoup fait évoluer le contenu du travail et l’intensité du travail, l’arrivée des générations X et Y sur le marché du travail redéfinit les attentes des agents envers leur métier. Les aspirations des nouvelles générations sont largement différentes de celles de leurs prédécesseurs. Les jeunes travailleurs aspirent en effet à plus d’autonomie, de responsabilité et de bien-être au travail (2) et sont moins attachés à l’entreprise. De la capacité des employeurs à répondre à ces attentes dépendra la l’implication de ces agents dans leur travail et leur efficacité.

En outre, l’impératif d’innovation dans les marchés hyperconcurrentiels reste d’actualité et demeure un autre argument en faveur de la mise en place d’une politique de bien-être en entreprise. Face à une main d’oeuvre bon marché issue des pays en développement, il reste indispensable d’innover pour ne pas disparaître. L’innovation est permise par la liberté d’action dans le travail et le bien-être ressenti par l’individu dans l’environnement dans lequel il évolue. Pouvoir au bien-être de ses agents c’est également faire parler de son entreprise, et ainsi, attirer les meilleurs profils, évidemment moteurs d’innovations. 

Le bien-être en entreprise est par ailleurs bouillonnant d’actualité. Les confinements ont fortement perturbé l’organisation normaliste du travail (3). Il a obligé les entreprises ayant eu recours au télétravail à redéfinir la stratégie de mobilisation des salariés et leur politique managériale. Le télétravail a indirectement donné plus d’autonomie aux agents et a donc augmenté la confiance supposée de l’employeur pour son salarié. Ces nouvelles bases positives ne sauraient cependant être accompagnées d’une pédagogie du travail, c’est à dire la formation des agents à l’autonomie et l’efficacité dans leur travail, afin de maintenir la compétitivité de l’organisation à long terme.

L’urgence de la mise en place du bien-être comme élément au coeur des nouvelles organisations du travail fait cependant face à la timidité des organisations.  Il faut dire que sa mise en place représente un coût, et une opération dont l’efficacité est difficile à mesurer. Investir dans le bien-être, c’est investir dans le capital humain, qui, contrairement au capital financier, n’est pas appropriable (1). L’individu, fort de son libre-arbitre, de sa personnalité et de ses aspirations, répondra de manière plus ou moins efficaces à la démarche, et l’ampleur du retour sur investissement attendu par la direction oscillera. La réticence à la mise en place de bien-être en entreprise s’explique également par le fait que les entreprises ne disposent pas toujours des moyens techniques et financiers pour mettre en place ces réformes.

Quoi qu’il en soit, un éventuel « retour à la normale » après la situation sanitaire ne gommera pas les nouvelles manières de travailler acquises notamment durant les confinements, mais également ceux induits par la spécificité des générations présentes sur le marché du travail. Pourvoir au bien-être des salariés serait une stratégie payante pour les accompagner dans les nouvelles formes d’organisation du travail et continuer à innover pour assurer la viabilité des entreprises. Une stratégie d’accompagnement efficace reste à construire et gagnerait à incorporer des conseils en hygiène de vie, en qualité de communication, en gestion du stress et des émotions.

1. Optimiser le bien-être au travail et la performance globale : enjeux et perspectives 

Par Olivier Bachelard, Professeur, Directeur du campus de Saint-Étienne emlyon business school 

2. BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL PERFORMANCE ÉCONOMIQUE, Le sens et la reconnaissance au cœur de la performance, DIRECCTE Rhône-Alpes (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) 

3.  7 Changements Profonds Dans L’Organisation Du Travail Qui Perdureront, Forbes