La notion de bien-être au travail, pourtant apparue au début des années 2000, s’est récemment immiscée dans toutes les formes d’institutions, quelles soient publiques ou privées (1). Le bien-être au travail est aujourd’hui considéré comme un levier d’action à la motivation et la mobilisation des agents, et sollicite logiquement l’intérêt des dirigeants, des managers et les services RH. Derrière l’image idyllique souvent dépeinte, cette initiative a avant tout pour pour but de mobiliser l’engagement au travail en favorisant l’autonomie, la productivité, et la capacité d’innovation des agents. Pour cela, elle prend entre autres en compte le ressenti individuel au travail (ce que je fais, comment je le fais, pour qui et pourquoi ?, la gestion des émotions et du stress), la dimension sociale au travail (la qualité des relations interpersonnelles, de la coopération), mais également parfois l’hygiène de vie des agents (alimentation, sommeil, activité physique…).
Mais en quoi une politique de bien-être permet concrètement aux entreprises de mieux s’adapter aux changements dans l’organisation du travail ? A la manière où l’arrivée des technologies de l’information a beaucoup fait évoluer le contenu du travail et l’intensité du travail, l’arrivée des générations X et Y sur le marché du travail redéfinit les attentes des agents envers leur métier. Les aspirations des nouvelles générations sont largement différentes de celles de leurs prédécesseurs. Les jeunes travailleurs aspirent en effet à plus d’autonomie, de responsabilité et de bien-être au travail (2) et sont moins attachés à l’entreprise. De la capacité des employeurs à répondre à ces attentes dépendra la l’implication de ces agents dans leur travail et leur efficacité.
En outre, l’impératif d’innovation dans les marchés hyperconcurrentiels reste d’actualité et demeure un autre argument en faveur de la mise en place d’une politique de bien-être en entreprise. Face à une main d’oeuvre bon marché issue des pays en développement, il reste indispensable d’innover pour ne pas disparaître. L’innovation est permise par la liberté d’action dans le travail et le bien-être ressenti par l’individu dans l’environnement dans lequel il évolue. Pouvoir au bien-être de ses agents c’est également faire parler de son entreprise, et ainsi, attirer les meilleurs profils, évidemment moteurs d’innovations.
Le bien-être en entreprise est par ailleurs bouillonnant d’actualité. Les confinements ont fortement perturbé l’organisation normaliste du travail (3). Il a obligé les entreprises ayant eu recours au télétravail à redéfinir la stratégie de mobilisation des salariés et leur politique managériale. Le télétravail a indirectement donné plus d’autonomie aux agents et a donc augmenté la confiance supposée de l’employeur pour son salarié. Ces nouvelles bases positives ne sauraient cependant être accompagnées d’une pédagogie du travail, c’est à dire la formation des agents à l’autonomie et l’efficacité dans leur travail, afin de maintenir la compétitivité de l’organisation à long terme.
L’urgence de la mise en place du bien-être comme élément au coeur des nouvelles organisations du travail fait cependant face à la timidité des organisations. Il faut dire que sa mise en place représente un coût, et une opération dont l’efficacité est difficile à mesurer. Investir dans le bien-être, c’est investir dans le capital humain, qui, contrairement au capital financier, n’est pas appropriable (1). L’individu, fort de son libre-arbitre, de sa personnalité et de ses aspirations, répondra de manière plus ou moins efficaces à la démarche, et l’ampleur du retour sur investissement attendu par la direction oscillera. La réticence à la mise en place de bien-être en entreprise s’explique également par le fait que les entreprises ne disposent pas toujours des moyens techniques et financiers pour mettre en place ces réformes.
Quoi qu’il en soit, un éventuel « retour à la normale » après la situation sanitaire ne gommera pas les nouvelles manières de travailler acquises notamment durant les confinements, mais également ceux induits par la spécificité des générations présentes sur le marché du travail. Pourvoir au bien-être des salariés serait une stratégie payante pour les accompagner dans les nouvelles formes d’organisation du travail et continuer à innover pour assurer la viabilité des entreprises. Une stratégie d’accompagnement efficace reste à construire et gagnerait à incorporer des conseils en hygiène de vie, en qualité de communication, en gestion du stress et des émotions.
1. Optimiser le bien-être au travail et la performance globale : enjeux et perspectives
Par Olivier Bachelard, Professeur, Directeur du campus de Saint-Étienne emlyon business school
2. BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL PERFORMANCE ÉCONOMIQUE, Le sens et la reconnaissance au cœur de la performance, DIRECCTE Rhône-Alpes (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi)
3. 7 Changements Profonds Dans L’Organisation Du Travail Qui Perdureront, Forbes
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